Un micro dans ma cour

Paroles destinées à une multinationale, automne 2022

En septembre 2022, l’aluminerie située non loin de chez moi a installé un système d’enregistrement dans mon champ pendant quelques semaines. Son but était de capter en continu le bruit généré par l’usine lors de travaux importants. Le système est alimenté par un panneau solaire vertical, qui transmet le son pour être reçu et analysé par des ingénieurs acousticiens. Peu après son installation, j’ai réalisé que ce microphone, suspendu au milieu de mon terrain par une multinationale, pouvait devenir un moyen de communication tout particulier à l’égard de ce symbole du capitalisme. C’est pourquoi, j’ai commencé un rituel quotidien consistant à lui adresser quelques mots.

Autoportrait au panneau solaire

Chaque jour, je marchais jusqu’au micro pour lire à haute voix une phrase ou un texte tiré d’un livre de ma bibliothèque. Ma parole n’a probablement jamais été entendue, vu la brièveté de sa durée par rapport à la journée entière, toutefois je l’ai vécue comme une démarche personnelle. Pour ce faire, je trouvais une citation en rapport avec mes préoccupations sur l’avenir de notre humanité-nature. Je la disais au micro, avec une élocution de plus en plus assurée au fil des jours. En partant de textes de militants écologiques, j’ai progressé vers des textes poétiques. À savoir, des mots écrits par des philosophes, des poètes et des scientifiques, des femmes et des hommes, des contemporains et des anciens, des laïques et des mystiques. Au total, ce processus a duré 40 jours, chaque fois munie d’un livre et d’un appareil photo pour rendre compte de la transformation automnale végétale.

Photos : Nathalie Lavoie
Photo : Nathalie Lavoie